23 mars 2016.
Il y a des scènes, comme ça, qui se gravent dans notre cerveau, sans qu’on sache bien pourquoi. Je me rends à la gare de Choisy le Roi d’un pas lent qui est devenu mon allure normale. Pas très loin de la gare, me voilà entouré, puis dépassé par une sorte de basse-cour agitée sur le plan sonore : il s’agit d’un groupe de jeunes adolescentes pleines de vie, qui pépient sans interruption. En même temps qu’elles se dirigent vers la barrière de contrôle des billets, je me demande, comme je l’ai vu faire tant de fois par les garçons, si elles vont enjamber l’obstacle ou présenter un titre de transport normal. Là, j’assiste à une chose que je n’avais jamais vue : deux hommes en civil présents à côté des tourniquets, au moment où les premières adolescentes les enjambent, avec agilité et adresse, les voilà qui les cueillent fermement par le bras ! Avant même que j’aie compris ce qui se passait, cette scène avait été précédée par le spectacle d’un demi-tour en éclair et d’une fuite éperdue de toutes les autres adolescentes qui suivaient les premières, cueillies.
Ce n’est peut-être pas un détail : toutes ces jeunes filles avaient le look habituel de magrébines. Ainsi donc le comportement de la gent féminine n’est pas différent de la masculine. Le système de valeurs autour de la validité de l’existence de titres de transport est partagé quelque soit l’appartenance au sexe… A tort, je pensais que les filles avaient plus tendance à respecter la loi. Quelle construction mentale se sont fabriqués ces jeunes pour trouver normal de frauder pour leur déplacement ? Eux seuls le savent. Moi je ne peux faire que des hypothèses : par exemple, eux et leurs parents ont tellement souffert de leur statut de colonisés et de leur exploitation qu’ils ne voient pas pourquoi ils se priveraient de ne pas payer quand les circonstances s’y prêtent. En tout cas, ils sont sûrement une construction, et non un comportement qui se résumerait à la délinquance.
