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30 juillet 2012 1 30 /07 /juillet /2012 16:08

Une nouvelle Shoah est-elle évitable?

 

La question mise en débat est fondamentale. 

Cette question de la prévention du génocide est aussi vieille que la prise de conscience des faits de la Shoah. En même temps est venue :« comment cela a-t-il été possible ? ».

Peut-être faut-il d’abord répondre à cette dernière question. Mon ancien métier de pédiatre m’a montré que je ne pouvais pas aider et soulager les malades sans comprendre, c’est à dire de faire un diagnostic. C’est vrai en médecine mais aussi dans beaucoup de domaines, scientifique, politique, etc.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est bon de rappeler que répéter à l’infini « plus jamais ça ! » n’a pas beaucoup de valeur préventive. S’il est incontournable de faire connaître les faits, et il est clair que c’est indispensable, ce n’est pas suffisant. Si ces faits atteignent une personne déjà construite avec des valeurs humanistes, ils ne font que renforcer ses convictions. Dans le cas contraire, ils ne changent pas grand-chose, et au pire, la personne peut en conclure que la prochaine fois, on fera mieux… La psychanalyse nous apprend que « tout se joue avant 6 ans », ensuite il est bien difficile de modifier le mode de fonctionnement nodal qui nous habite. C’est un vrai problème ; je n’ai pas de réponse pour influer sur ce processus, mais il bon de l’avoir présent à l’esprit.

L’important est de comprendre comment une telle chose a été rendue possible, s’il est souhaité que son renouvellement soit impossible.

Ne nous cachons pas que ce travail est infiniment complexe.

Personnellement, j’ai abordé ce sujet, succinctement faute de temps, en tant que président de l’association française des « Enfants Cachés », au deuxième congrès mondial du même nom à Jérusalem en 1993. Je  fais un copié-collé de la partie correspondante au sujet :

« La dernière marche (des activités de l’association) est certainement la plus difficile à franchir. Son objectif est ambitieux et consiste à faire en sorte que ce qui nous est arrivé ne se reproduise plus. Problème difficile à résoudre quand on sait que si l'histoire a appris quelque chose aux hommes, c'est qu'elle ne leur apprend jamais rien: il est certainement nécessaire que nos histoires soient connues et transmises, mais cela n'est certainement pas suffisant. Alors que faire? Personnellement je ne sais pas. C'est pourquoi je vous invite à réfléchir sur les trois questions suivantes:

1. quels sont la place et le sens de la Shoah, - dont nous sommes les fruits - dans l'histoire juive?

2. quels sont la place et le sens de la Shoah dans l'histoire européenne, terre de prédilection du système de valeurs judéo-chrétien, de générosité et de justice?

3. quels sont la place et le sens de la Shoah dans l'histoire universelle? D'autres communautés humaines ont été victimes d'un désir de disparition de la part de communautés humaines différentes: les Arméniens, les Indiens, les Vendéens. Ce qui fait la spécificité de l'oppression subie par le peuple juif, c'est son caractère répétitif au cours de son histoire.

Répondre à ces questions serait selon moi, faire franchir une marche de plus à la civilisation. Pour ce travail, beaucoup de têtes valent certainement mieux qu'une seule. »

 

 

En 2012, la question de la prévention des génocides reste d’actualité.

Certains, parmi les juifs, proclament qu’il est vain de chercher une explication à la Shoah. Sous-entendu, la chose est de nature divine, et les raisons nous dépassent. Je n’adhère pas à cette approche.

D’autres, dont je suis, essayent de trouver, non pas une, mais un cumul d’explications. Par exemple le génocide a été rendu possible à cause du terreau fabriqué par l’enseignement séculaire chrétien qui fait des juifs un peuple déicide. Ce facteur fait l’objet d’un certain consensus actuellement ;les choses ont un peu changé depuis Vatican II.

A ce facteur s’en ajoutent beaucoup d’autres. Par exemple :

- le fonctionnement des groupes et les relations entre majorité et minorité : au sein d’un groupe, quand des difficultés surgissent, elles sont attribuées à la fraction minoritaire constitutive du groupe. C’est la théorie du bouc émissaire.  Cela a peut-être à voir avec le concept psychanalytique selon lequel chaque être humain abrite un double sentiment du bien et du mal. Si le mal domine, il s’en débarrasse en le projetant sur le différent de lui-même pour conserver un narcissisme valorisant. Les exemples ne manquent pas dans les histoires des minorités : juifs, tziganes, les macaronis, les polaks, etc. Les juifs, depuis leur statut diasporique, sont toujours une minorité dans une majorité, ont connu des persécutions forcément itératives au cours de l’Histoire antique, médiévale et moderne.

J’ajoute une réflexion qui vaut ce qu’elle vaut : le concept inventé de « peuple élu » est un concept dangereux : si un autre peuple se considère comme un peuple élu (voir « l’Allemane au-dessus de tout ») il y en a un de trop…

Bien sûr que chacun des facteurs exposés plus haut ne peut expliquer à lui tout seul l’émergence de la Shoah. Il aura fallu la rencontre et le cumul de causes, extrêmement improbables, mais qui ont néanmoins existé !

En particulier l’addition d’un pays humilié par le traité de Versailles, la crise 1929 qui exigeait un coupable, la compétition intercapitaliste, et aussi la détention par un pays de moyens techniques et scientifiques pour imaginer et mettre en œuvre la destruction industrielle de tout un peuple, sans compter les tziganes, les homosexuels, les handicapés, etc.

 

Le renouvellement d’une Shoah est donc improbable, tant les conditions générales et singulières sont nombreuses, mais non impossible

 

 

23 juil. 12

Samuel Ramstein

sam.ramses@free.fr   

 

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